Mes productions s’organisent autour de plusieurs motifs récurrents qui empruntent aux éléments fondamentaux : minéraux, végétaux et organiques. Des motifs de montagne, de branchages, de chevelure apparaissent dans mes dessins mais l’enchevêtrement des lignes capture le regard du spectateur et dissout la représentation. Une dualité se crée alors entre l’idée de paysage et le détail, l’un pouvant contenir l’autre et inversement : caché dans un coin de la représentation, un réseau de lignes se manifeste comme visage, comme chevelure, comme irruption potentielle d’un autre paysage.
Le choix des supports est essentiel dans mes projets, il se constitue comme langage plastique et vient contredire ou enrichir le dessin, en mettant en exergue la tension entre l’ordre géométrique suggéré par le papier millimétré ou gradué et le désordre des lignes. Les courbes et les angles irréguliers sont brutes et indomptés. Cette dualité peut être interprétée comme une réflexion sur la complexité de l’expérience humaine face à la grandeur des paysages, où la rationalité des mathématiques se confronte à l’imprévisibilité de la nature. Le papier, par sa fragilité donne à la représentation un caractère instable et précieux.
Les outils que j’utilise (feutre fin et stylo bille principalement) et mes images photographiques induisent un lien à l’écriture qui se manifeste par la spontanéité du geste : la ligne est hésitante, brouillonne, foisonnante, droite et courbe à la fois. Dessin autant qu’écriture, elle fait apparaitre un sens inachevé, une profondeur indicible. Les montagnes et la chevelure sont des motifs qui évoquent le passé dans leurs strates et leur constitution. Elles sont traces persistantes d’un langage perdu, mémoire d’un temps géologique ou génétique… courbes l’une et l’autre, torturées, elles évoquent le soulèvement de mes propres profondeurs, l’oscillation de l’impossible sur la trame du réel, du proche et du lointain qui s’attisent et s’engendrent mutuellement.